Besoin d'évasion, richesse intérieure lumineuse ? Il écrira de nombreux poèmes, rassemblés en 1946 dans un recueil intitulé "Quand la bête rôdait".
Ce très bel ouvrage comporte également un assez grand nombre d'illustrations, dessins, de la main même d'Hubert gaulier.
Le titre du recueil fait-il référence à une présence qu'il jugeait indésirable... au début des années 40 ou bien fait-il simplement référence au charme de la campagne et à ces paysages bourbonnais en particulier, qu'il aimait tant ?
A l'évidence, l'auteur est habité par les deux sentiments.
Ce recueil est préfacé, s'il vous plaît, par un membre de l'Académie Française, Maurice Genevoix.
Ce dernier a lu les poèmes avant de connaître leur auteur, dit-il.
Allez vous en !
Etes vous aveuglés, n'avez vous pas surpris
Ce qui palpite en nous de rage, de mépris :
Apre ferment germé, flamme noire qui couve,
Et la haine, partout grondant comme une louve,
Au fond de tant de coeurs où, sanglante, a creusé
Sa griffe, en pleine chair, telle un fer embrasé.
Assez de hurlements, de traînants bruits de bottes,
De ripailles insultant notre faim, de ribottes,
De hoquets salissant nos chambres et nos lits,
Et de meubles volés, souillés ou démolis !!
De rires égrillards dont s'écoeurent nos filles,
D'enfants blêmes de froid s'en allant en guenilles
Vers des logis sans pain d'où le père est absent
qui connaît cette horreur et se sait impuissant.
Allez-vous-en chez vous pour qu'après disparaisse
Tant de sang sous les pas gluants que partout laisse
Votre présence haïe, et que, sans fin, le vent
Accouru de la mer, d'un grand souffle fervent
lave l'espace entier des provinces de France,
Et notre âme, de tout son mal et sa souffrance !!
Pour que la joie au coeur en unissant leurs mains
Des couples enlacés voguent par les chemins
Sans crainte, extasiés d'espérances fécondes,
D'une ardeur de printemps limpide et vagabonde;
Pour que le ciel soit bleu vraiment, le soir vermeil,
Pour enfin respirer libres, dans du soleil.
Et pour revenir en pays bourbonnais,
Mon village.
Sous son capuchon brun de tuiles inclinées
Que la mousse rebrode, entre ses cheminées,
Mon village a dormi, dans la nuit de printemps
Fluide, vaporeuse : Il a dormi longtemps.
Paisible, au creux secret de l'ombre étincelante,
Sans rêve, il a dormi les yeux clos, sur la pente
Où stagnaient des blancheurs de bétail engourdi
Dans le silence clair d'un herbage froidi.
Accrochant aux sabots du vieux sonneur de cloches
Ces fins lambeaux de nuit que le jour éffiloche,
Il attend à présent l'oeil et l'oreille au guet,
Le claquement joyeux de son premier volet.
En même temps que lui, je regarde et j'écoute :
Un battement pressé d'averse sur la route,
Qui monte avec les pas de bêtes en troupeau
Qu'on ramène des prés, le mufle luisant d'eau.
Une treille obsédant de ses rets d'ombre verte,
Les cannas rougissants de la cure entr'ouverte;
L'ardoise du clocher où lentement bleuit
Le nimbe de clarté dont sa flèche reluit;
Tout le bourg enfumé, la forge qui s'allume
Heureuse, les chansons battantes de l'enclume;
Et d'un très vieux village ancré dans son destin,
Le coeur si simple et grand qui palpite au matin.
A ce bel hommage rendu à Voussac, l'auteur a joint ce délicat dessin de l'église de Voussac. A l'époque, l'ancien cimetière jouxte l'église.
Hubert Gaulier a quitté ce monde en 1983. Sur sa tombe à Voussac, figure l'épitaphe :
Au rythme infini du temps qui l'efface,
Un nom sur une pierre... et Dieu, face à face.
Il écrit notamment ".... il s'agit là d'un homme, d'un Français, qui a subi parmi les autres un ébranlement atroce et profond, un de ces chocs qui bouleverse l'être jusqu'en ses assises les plus stables et l'entraînent, désemparé, jusqu'aux frontières même de la vie : au bord de la folie, du suicide ou d'un affreux dégoût solitaire dont la froide et durable amertume est sans doute plus tragique encore.
C'est cette épreuve commune et cette intime détresse, ce besoin de se reprendre, de s'agripper au seuil d'un gouffre, qui ont contraint cet homme entre les autres à chercher au fond de lui-même, à retrouver des sources vivantes, des choses fraîches et lustrales, exorables. Il a laissé des rythmes s'éveiller, des cadences où s'enchanteraient sa tristesse même et son angoisse...."
Mais, donnons la parole à notre auteur avec ce poème écrit à Gien dans le Cher au début des années 40.
Hubert Gaulier est né en 1890 à Voussac où sa famille est installée depuis plusieurs générations.
Jeune homme parfois mélancolique, il est très vite attiré par les belles lettres, la poésie.
D'une nature discrète, voire secrète, il est mal connu de ses contemporains.
Sa profession de comptable du Trésor Public en est peut être la cause, renforçant une image d'homme de l'ombre, seul parmi les chiffres !